Kimpa Vita, prophétesse du Kongo et martyre de la liberté africaine, reste une figure emblématique 319 ans après son exécution. Brûlée vive le 2 juillet 1706 à l’âge d’environ 22 ans, celle que l’on surnomme parfois la “Jeanne d’Arc congolaise” incarne la résistance spirituelle et politique face à la domination coloniale.
Née entre 1684 et 1686 à Mbanza Kongo (actuel nord de l’Angola), Kimpa Vita, de son nom chrétien Dona Beatriz, était issue de la noblesse kongo. Initiée à la fois aux traditions spirituelles locales et à la doctrine catholique apportée par les missionnaires portugais, elle se déclare habitée dès l’âge de 20 ans par l’esprit de Saint Antoine de Padoue, lançant un mouvement prophétique sans précédent.
L’Antonianisme : une foi noire pour un peuple libre
Entre 1704 et 1706, elle fonde l’Antonianisme, un courant religieux syncrétique alliant christianisme et spiritualités kongo. Elle y proclame que Jésus-Christ et les saints sont noirs, nés au Kongo, et que la foi chrétienne doit être purgée de toute influence étrangère. Pour Kimpa Vita, São Salvador (M’banza Kongo) est la véritable Jérusalem africaine, destinée à redevenir le centre politique et spirituel du royaume.
Ce message subversif séduit des milliers de partisans. Paysans, nobles, chefs militaires – jusqu’à l’épouse du roi Pierre IV – rallient son mouvement. En 1705, ses fidèles reprennent symboliquement São Salvador, qu’ils transforment en bastion spirituel africain.
Une menace pour l’ordre établi
Dans un Kongo affaibli par les guerres civiles et la pression coloniale, le discours de Kimpa Vita prend rapidement une tournure politique. Elle prône l’unité du royaume, la souveraineté spirituelle et le rejet de l’occupation portugaise. Elle nomme des “anges” pour propager son enseignement, organise des cérémonies, et redéfinit les rituels chrétiens selon les codes africains.
Mais son ascension inquiète les autorités portugaises et les religieux capucins. Accusée d’hérésie, elle est arrêtée sur ordre du roi Pierre IV et remise aux missionnaires. Jugée sans possibilité de défense, elle est exécutée par le feu en juillet 1706, à proximité de M’banza Kongo.
Martyre et postérité
Sa mort ne signe pas la fin de son combat. Le mouvement antonien survit plusieurs années, influençant plus tard des figures telles que Simon Kimbangu ou les fondateurs des messianismes africains. Kimpa Vita devient un symbole de résistance culturelle et religieuse, célébrée pour son courage et sa vision d’un christianisme enraciné en Afrique.
Aujourd’hui, Mbata Kongo abrite une université qui porte son nom. Des fresques et statues honorent sa mémoire dans la région, tandis que de nombreux intellectuels et militants panafricanistes la reconnaissent comme l’une des premières voix de la décolonisation spirituelle et politique du continent.
319 ans après : une mémoire vivante
Ce 2 juillet 2025 marque 319 ans depuis le martyre de Kimpa Vita. Alors que l’Afrique continue de questionner son héritage religieux et identitaire, son message reste d’une actualité saisissante : foi, liberté, dignité et souveraineté.
« Elle avait compris, bien avant les colonisateurs eux-mêmes, que l’aliénation d’un peuple commence par celle de son âme. » — Historien congolais cité lors d’une commémoration à Mbanza Kongo.