Kinshasa, 30 mai 2025 — La tension monte entre le ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba, et le pouvoir judiciaire. Au cœur de la tourmente, une série d’accusations graves allant de détournement de fonds publics à outrages et menaces contre l’autorité judiciaire.
Ce vendredi 30 mai, un nouveau réquisitoire du procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, a été lu en plénière par le rapporteur de l’Assemblée nationale, Jacques Djoli. Cette démarche intervient quelques jours seulement après que les députés ont voté une résolution autorisant l’ouverture d’une instruction judiciaire à l’encontre du ministre Mutamba.
Le réquisitoire évoque notamment des propos tenus par le ministre lors d’un face-à-face avec les agents et cadres de son ministère au Palais de justice. Il lui est reproché d’avoir publiquement outragé des membres du gouvernement, des cours et tribunaux, et des officiers du ministère public, mais aussi d’avoir incité à des manquements à l’autorité publique, proféré des injures publiques et émis des menaces contre l’intégrité physique. Les faits sont considérés comme des infractions au regard des articles 136.1 et 2, 75, 135 bis et 159 du Code pénal congolais.
Le ministre Mutamba, loin de se rétracter, a contesté la légitimité de la procédure, allant jusqu’à accuser le procureur Mvonde d’user de manœuvres politiques pour nuire à sa réputation. « Je n’ai pas peur de la prison. Je suis prêt (…) Celui qui fait l’objet d’enquêtes ne peut pas initier une action contre le ministre de la Justice. C’est une faute disciplinaire grave », a-t-il affirmé devant ses collaborateurs. Il a également qualifié Firmin Mvonde de « Kabiliste » et dénoncé une tentative de manipulation de l’opinion.
Outre ces accusations verbales, le fond du dossier judiciaire concerne un détournement présumé de 19 millions USD sur un total de 39 millions, destinés à la construction d’une prison à Kisangani, dans la province de la Tshopo. La procédure de passation des marchés publics dans ce projet est également mise en cause. Deux précédentes initiatives parlementaires, portées par Fontaine Mangala et Willy Mishiki, avaient déjà interpellé le ministre à ce sujet.
La décision d’autoriser l’instruction judiciaire repose sur la recevabilité du rapport de la Commission spéciale de l’Assemblée nationale, chargée d’examiner le réquisitoire du procureur général. Elle marque un tournant dans cette affaire qui révèle de profonds désaccords entre institutions de l’État et soulève des interrogations sur la gouvernance, la transparence, et le respect de l’autorité judiciaire en RDC.