Kinshasa, juin 2025 – Quinze ans après l’adoption de la Loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics, la République Démocratique du Congo dispose d’un cadre législatif réputé conforme aux standards internationaux. Ce dispositif, censé garantir la transparence, l’équité, la compétitivité et la bonne gestion des fonds publics, peine pourtant à produire les résultats attendus. Sur le terrain, les pratiques restent largement en décalage avec les principes affirmés dans les textes.
Un arsenal juridique exemplaire… dans les textes
Le cadre législatif congolais en matière de passation des marchés publics repose sur des fondements solides. Il vise à promouvoir une utilisation efficace des ressources publiques et à instaurer des conditions équitables pour les opérateurs économiques. Cependant, force est de constater que ce cadre est aujourd’hui fragilisé par une mise en œuvre défaillante, qui entame la crédibilité de l’État et freine les efforts de développement.
Des dérives persistantes
La réalité du terrain révèle une série de dysfonctionnements structurels :
- Des procédures régulièrement contournées : recours abusif au gré à gré, non-respect des plans annuels de passation, irrégularités dans les délais et l’affichage des appels d’offres.
- Une transparence déficiente : les informations sur l’attribution et l’exécution des marchés demeurent difficilement accessibles, favorisant l’opacité et les soupçons de corruption.
- Des organes de contrôle fragilisés : malgré l’existence de la DGCMP et de l’ARMP, leurs actions sont entravées par un manque d’autonomie, de ressources et de volonté politique pour sanctionner les fautes.
- Un manque criant de ressources humaines : à tous les niveaux, l’insuffisance de personnel formé compromet une gestion rigoureuse et professionnelle des marchés.
Ces carences systémiques contribuent à la mauvaise gestion des ressources publiques et à la perte de confiance des citoyens et partenaires techniques et financiers.
Lenteurs administratives : un frein au développement
Outre les mauvaises pratiques, la complexité et la lourdeur des procédures nuisent à l’efficacité du système. Entre l’identification d’un besoin et la mise en œuvre d’un projet, les délais sont souvent interminables. Cette inertie provoque :
- L’aggravation des situations d’urgence (routes coupées, équipements publics défaillants).
- L’augmentation des coûts à cause de la détérioration des infrastructures.
- Un décrochage entre les attentes des citoyens et les réponses de l’administration.
Une réforme en profondeur du système s’impose pour rendre l’État plus réactif et mieux à même de répondre aux défis du développement.
Vers une réforme audacieuse et structurelle
Pour inverser la tendance, plusieurs pistes d’action sont proposées :
- Appliquer la loi sans faiblesse : renforcer les sanctions contre les contrevenants et garantir l’autonomie des institutions de contrôle.
- Moderniser les procédures : digitalisation, simplification, et rationalisation des étapes de validation.
- Former les acteurs : mise à niveau continue des agents publics et des opérateurs économiques.
- Promouvoir la transparence : publication systématique des appels d’offres, des résultats et de l’exécution des marchés.
L’heure de vérité
Pour David Jimmy Bisuta Boluwa, qui signe cette réflexion, il ne s’agit pas seulement de corriger quelques failles, mais de refonder un système devenu inefficace et inéquitable. « L’objectif doit être clair : faire des marchés publics un véritable levier de développement. Chaque franc congolais doit être utilisé de manière transparente, efficace, et pour le bénéfice du peuple », martèle-t-il.
La RDC dispose des outils. Il ne manque qu’une chose : la volonté politique de faire des marchés publics un instrument de justice sociale, de développement économique et de gouvernance exemplaire.